Souvenirs_chapitre_3.pdf

(136 KB) Pobierz
332575273 UNPDF
Les Souvenirs – chapitre 3 : La mission de 1899
CHAPITRE III
La mission de 1899
Flamme apostolique - Correspondance à la grâce - Douleur de ses fautes - Confession générale - Elans de reconnaissance - Clôture de
la mission.
E n 1899, nous trouvons Elisabeth tout occupée d'une grande mission qui se préparait.
Nous allons avoir une mission pendant le carême ; je prie déjà pour son succès. Oh ! je désire tant
ramener des âmes à mon Jésus ; je donnerais ma vie pour contribuer au rachat d'une de ces âmes qu'Il a
tant aimées ; je voudrais le faire connaître, le faire aimer par toute la terre ! Je suis si heureuse de Lui
appartenir ! Je voudrais que le monde entier se plaçât sous ce joug si doux, sous ce fardeau si léger... Je
voudrais rendre à Jésus M. N..., un excellent homme, aussi charitable qu'il est possible de l'être, mais
qui vit loin de Dieu. J'ai offert plusieurs communions à cette intention et je compte sur la mission pour
opérer cette belle œuvre... Si je pouvais y avoir une petite part, ce serait trop de bonheur ! Que
n'endurerais-je pas pour cela !...
Samedi 4 mars - Je rentre de la cathédrale ; la cérémonie d'ouverture a été superbe ; Monseigneur est
monté en chaire, il a parlé de cette mission qui doit réveiller les âmes de leur sommeil. Après le
sermon, il y a eu une magnifique procession suivie par toute la maîtrise. Les voix angéliques
s'élevaient pures et suaves jusqu'aux voûtes de l'ancienne basilique ; ces chants étaient beaux et
touchants.
Sa grande préoccupation est le salut des âmes. Les plus ardents soupirs s'échappent de son cœur
embrasé du divin amour.
Dimanche 5 mars - Mon Dieu, je vous fais le sacrifice de ma vie pour le succès de cette mission ;
faites-moi souffrir, mais exaucez-moi ; voyez mes larmes, mes soupirs ; grâce, pitié Dieu tout-
puissant ; au nom de Jésus, mon Epoux bien-aimé, Jésus, ma vie, mon suprême amour.
O Père, n'êtes-vous pas touché ? Que vous faut-il encore ? Des âmes, ô mon Dieu, il me faut des
âmes, au prix de n'importe quelle souffrance ; ma vie entière sera une expiation ; je suis prête à tout
souffrir ; mais grâce, pitié pour le monde, au nom de Jésus, mon divin Epoux, Jésus que je veux
consoler.
M. N... est venu à la mission, comme j'ai remercié Dieu !
Les Souvenirs – chapitre 3 : La mission de 1899
Dimanche 12 mars - A vêpres, superbe sermon ; celui qui jusqu'à présent m'a peut-être le plus
intéressée. En écoutant parler sur ce zèle dont on doit brûler, mes yeux se mouillaient de larmes. O bon
Jésus, si j'ai vécu longtemps indifférente au salut de mes frères et vous offensant tant moi-même, du
moins j'aspire à vous ramener des âmes ; mon cœur se consume pour cette œuvre de rédemption. Divin
Epoux, je veux vous consoler, vous faire oublier le chagrin que vous causent les pécheurs. C'est par la
souffrance que Jésus-Christ a opéré l’œuvre de la Rédemption, et après Lui, il nous appelle à cette vie
de sacrifice, moyen le plus sûr pour sauver les âmes.
O Jésus ! est-ce que je ne demande pas la souffrance à grand cris ? Je veux bien tout endurer ; mais
donnez-moi des âmes, donnez-moi celle que je vous recommande d'une manière toute particulière.
J'espérais tant, voyant ce pécheur assister à la mission, et voilà que maintenant il n'y retourne plus...
Mardi 14 mars - Le sermon sur l'éternité a été splendide. Ces Rédemptoristes parlent avec tant
d'amour de Dieu, c'est admirable. Quand je les vois ainsi évangéliser, combien je les aime ! Ah ! ils ont
pu suivre leur vocation, ils ramènent beaucoup d'âmes à Dieu, ils sont heureux ! Qu'ils jouissent de
leur bonheur ! Mon Jésus, quand pourrai-je suivre ma voie, quand pourrai-je me donner à vous, j'ai si
grande envie de souffrir, de vous gagner des âmes ! Je suis avide de sacrifices, je bénis tous ceux qui se
présentent dans le courant de mes journées. Pendant cette mission, je sens redoubler ma flamme, mon
cœur brûle du désir de convertir des âmes ; cette idée me poursuit jusqu'en mon sommeil, je n'ai plus
un moment de repos. Mon Dieu, voyez les désirs ardents de mon cœur, envoyez-moi des souffrances,
cela seul peut me faire supporter la vie : ô Père céleste, « ou souffrir ou mourir ! »
Dimanche 19 mars - Aujourd'hui se terminent mes deux neuvaines à saint Joseph et à Notre-Dame
du perpétuel secours ; je suis désolée, tout en demeurant confiante. J'attends un miracle, oui j'en
attends un. Quand Jésus est venu ce matin en mon cœur, je Lui ai dit que je tenterai tout avec Lui pour
ramener cette âme. La nuit, je ne dors plus bien ; O Père céleste, ne vous laisserez-vous pas toucher ?
Je suis prête à tout pour obtenir la conversion de M. N... ; donnez-le moi, et faites-moi endurer tous les
tourments qu'il a mérités ; je les supporterai pour mon Jésus, avec mon Jésus. Que ce pauvre pécheur
ne laisse pas passer le moment de la grande miséricorde, qu'il profite de cette mission pour revenir à
vous. Mon Dieu, mon cœur se brise, exaucez-moi. Chaque fois que je ressens une douleur, je me
réjouis et me dis Marie m'exauce ; oui, oui, il le faut, j'attends un miracle.
Jeudi saint, 30 mars - Pardon, pardon pour les pécheurs. J'ai tant pleuré, supplié, ô Jésus, que
j'espère vous donner cette âme. Je redouble de prières envers la Vierge Marie, et je sens augmenter ma
confiance ; que je serais heureuse si elle revenait à vous, mon Bien-Aimé ! Ce matin, quand j'ai vu tous
les hommes s'approcher de la sainte Table pour vous recevoir, j'ai pleuré de joie en pensant combien
Les Souvenirs – chapitre 3 : La mission de 1899
vous deviez vous réjouir ; mais il m'a semblé que vous me parliez au fond du cœur, de ceux qui
n'étaient pas là. O mon Sauveur, oubliez-les ; ne pensez à eux que pour leur pardonner ; laissez-vous
consoler par ceux qui vous aiment ; je suis trop malheureuse quand je pense que votre cœur est affligé.
Le samedi saint, elle épanche ainsi sa douleur
Pauvre Jésus, quelle épine pour votre cœur ! Votre bien-aimée souffre avec vous ; oh ! n'est-ce pas, je
ne vous ai refusé aucun sacrifice pour cette conversion ?
Je suis si émue, pourrai-je seulement écrire ? Après avoir préparé les voies auprès de M. N..., maman
avait demandé à Monsieur le Curé d'envoyer un missionnaire. Aujourd'hui le Père L... est venu... ;
j'étais pleine de confiance ; hélas ! on lui a répondu un non qui ne laisse plus rien à espérer, et le Père
craint que ce pécheur ne se convertisse jamais. J'en suis malade pour mon Jésus ; je tremble pour cette
âme ; je ne la blâme point ; après un moment d'irritation contre elle, je la plains ; mon Dieu, n'aurais-je
pas fait autant et plus encore, si vous ne m'aviez comblée de vos bienfaits !
Bon Maître, j'unis ma douleur à la vôtre ; nous avons tout tenté, maman par ses bonnes paroles, et
moi, mon Jésus, je croyais avoir tant prié ! je ne l'ai point assez bien fait. Eh bien ! je souffrirai, je
prierai jusqu'à ce que je sois enfin exaucée...
Elisabeth songe à faire fructifier en son propre cœur la parole de Dieu. Après un sermon sur l'humilité,
elle conclut :
Donc s'humilier en toutes choses, s'humilier en voyant ses fautes et, au lieu de s'en vouloir à soi-
même, reconnaître sa fragilité et son néant. O Marie, ô vous que je prie chaque jour pour obtenir
l'humilité, venez à mon aide, brisez mon orgueil, envoyez-moi beaucoup d'humiliations, bonne Mère.
L'instruction du Père missionnaire sur la charité m'a fait grand bien, car je ne suis pas toujours
disposée à excuser mon prochain. J'ai pris de sérieuses résolutions. Jésus, aidez-moi, enlevez toutes les
méchancetés de mon cœur... Le support des caractères, que cela est difficile ! Un saint l'a appelé « la
fleur de la charité ». Mon Jésus, désormais plus une parole contre le prochain ne sortira de mes lèvres ;
je l'excuserai toujours, et si l'on m'accuse injustement, je penserai à vous et je saurai tout supporter
sans me plaindre.
Son analyse du sermon sur le péché se termine par ces lignes :
Après le sermon, qui a été très émotionnant, le Père a prononcé tout haut un acte de contrition
pendant lequel j'ai bien pleuré.
O Jésus, pardon ! pardon pour mes offenses d'autrefois ; pardon pour mon mauvais exemple, mon
orgueil et toutes les fautes que je commets si souvent. Je le sais, il n'est pas créature plus misérable que
Les Souvenirs – chapitre 3 : La mission de 1899
moi, car vous m'avez tant donné ! Vous ne vous êtes pas lassé de me combler encore. O Maître
pardon ! Comment puis-je oser demander grâce pour les autres quand je suis si coupable ? Comment,
après tant d'offenses, ne vous êtes-vous pas détourné de moi, ô Seigneur Jésus ? Mon Epoux, ma vie,
pardon !...
Deux jours plus tard, c'est l'instruction sur la confession qui « la remue, la bouleverse ».
Depuis quelque temps, je pense à cette contrition ; je me sens prête à mourir plutôt que de vous
offenser volontairement, même par le péché véniel. Mais avant, à onze, douze, treize, quatorze ans, ô
mon Dieu, ai-je toujours eu ce regret ? Y ai-je seulement songé ? Je tremble en y pensant ! Je suis
décidée à faire une confession générale. Je m'en épouvante : comment me souvenir de ces péchés pour
la quantité, la diversité ? Enfin Dieu m'aidera... Oh ! oui, qu'il m'éclaire, pour que je voie mes péchés
dans toute leur malice et horreur...
Bon Maître, si je devais retomber pareillement, je vous en conjure, faites-moi mourir ! Comment,
après tant d'offenses, avez-vous pu supporter ma vue ? Comment m'avez-vous prévenue par tant de
grâces ? Oh ! merci !... Oh ! pardon ! Quelle douleur j'éprouve en songeant au chagrin que je vous ai
causé, vous que j'aime tant, vous qui me voulez pour votre épouse ; pardon, pardon, Jésus, je suis une
indigne créature ; il n'en est pas une à qui vous ayez tant donné et qui se soit montrée si ingrate. Je
vous aime, je pleure ces péchés qui vous ont fait tant de mal, ayez pitié de moi, ne voyez que votre
miséricorde.
Mercredi matin, 15 mars - Je me suis confessée. J'ai rencontré un confesseur hors ligne, et j'en
remercie le bon Dieu. Le Père m'a trouvé toutes les marques d'une vraie vocation ; il croit, lui aussi,
que Jésus m'appelle au Carmel, et cette vocation, dit-il, est la plus belle. J'ai fait une confession
générale depuis ma première communion. Le Père m'affirme que je n'ai jamais perdu l'innocence
baptismale.
Aucune réflexion ne suit l'aveu si simple de cette assurance dont nous savons qu'elle éprouva tant de
bonheur ; mais les actions de grâce se pressent de plus en plus sous sa plume. Elle ne cesse de bénir Celui qui
a fait en elle de grandes choses et lui réserve de nouvelles faveurs.
Après un sermon sur la mort et le jugement :
Chose extraordinaire ! je n'ai été nullement effrayée. O Jésus, pourquoi trembler de paraître devant
vous ? Pouvez-vous condamner celle qui, malgré ses fautes sans nombre, n'a vécu que pour vous ?
Certes, elle est bien misérable, elle a mille fois mérité l'enfer ; mais Jésus vous ne pouvez la
méconnaître, c'est votre épouse ; qu'elle marche donc à votre suite ; et, chantant le cantique des
Les Souvenirs – chapitre 3 : La mission de 1899
vierges, qu'elle s'enivre des délices de votre présence. O mort ! si je n'avais l'espoir de souffrir et de
faire un peu de bien sur la terre, comme je t'appellerais à grands cris ! Si jamais je devais offenser
mortellement l'Epoux que j'aime par-dessus toutes choses, alors fauche-moi avant ce grand malheur.
Mon Jésus, tout souffrir, tout endurer, mais ne point vous causer une telle douleur ! Gardez moi ; mon
cœur est là près du vôtre ; veillez sur lui, protégez-le bien, consumez le du feu de votre amour.
Les instructions sur le monde provoquent encore des élans de gratitude :
Mon Dieu, merci pour m'avoir, dès ma jeunesse, montré la vanité des choses de ce monde ; merci
pour m'avoir attirée à vous !
Lorsque j'entends condamner le monde et ses plaisirs, quels sentiments de reconnaissance s'élèvent
du fond de mon cœur vers vous. Jamais je ne pourrai assez vous remercier pour cette belle part que
vous m'avez choisie. Le Père disait ce matin qu'en retournant aux cieux, alors que vous recommandiez
vos apôtres à Dieu, vous lui faisiez d'eux cet éloge « Père, ils ne sont point du monde ; ils vivent dans
le monde, mais ils n'en sont point ». Et moi aussi, bon Maître, je suis dans le monde, mais je ne vois
que vous, je ne veux que vous et votre croix. Ce monde ne peut me satisfaire, je languis, je souffre, car
je vous cherche. O Bien-Aimé, prenez-moi toute à vous, vous êtes si puissant, vous pouvez tout
arranger : un miracle, ô Jésus, je vous en conjure !
Quelques jours après :
Le sermon de ce soir sur l'amour divin a été admirable. J'ai pleuré en écoutant parler de cet amour de
Dieu pour mon âme ; je regrette de ne pouvoir écrire le sermon d'un bout à l'autre, car c'est le plus beau
de tous. O Jésus, je ne puis entendre dire que vous souffrez, que votre cœur saigne en voyant tous ces
hommes s'éloigner de vous ; cela me torture. Vous souffrez, vous, mon Bien-Aimé ! Oui, et dans votre
bonté, vous êtes allé jusqu'à me demander à moi, pauvre ver de terre, de vouloir bien vous consoler.
Est-ce possible ? Mon Jésus ! C'est trop beau, trop doux pour mon cœur !
Prise à ce degré par le divin amour, Elisabeth sera plus attentive encore aux moindres détails de sa
perfection. Elle cherche la lumière dont elle croit avoir besoin et regrette la manne fortifiante de la parole
sainte. Après quelques instructions sur la vie chrétienne, nous lisons :
Je compte demander des avis à ce sujet au Père L... ; j'ai plusieurs choses, du reste, à lui dire, et il me
tarde beaucoup d'aller le trouver...
Quel malheur ! la mission approche de sa fin, comme elle a vite passé ! Un sentiment de tristesse
s'empare de mon âme ; mais Jésus me dit d'être toute à la joie de bientôt Lui appartenir. Je regarde le
monde, les objets du monde comme des choses parmi lesquelles je ne fais que passer ; je n'y attache
point mon cœur, et chaque matin, en examinant ma journée, je promets au divin Epoux tels ou tels
Zgłoś jeśli naruszono regulamin