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Église chrétienne orthodoxe d’Éthiopie
’AQ W AQ W AM
La musique et la danse des cieux
Ethiopian Orthodox Christian Church
’AQ W AQ W AM
Music and dance of heaven
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Collection dirigée par Pierre Bois
Enregistrements effectués en 2002 et 2003 à Addis Abeba (Éthiopie). Enregistrements et notice,
Anne Damon . Photographies (sauf indication contraire), Anne Damon . Traduction anglaise, Frank
Kane . Prémasterisation et réalisation, Pierre Bois . © et P 2005 Maison des Cultures du Monde.
Enregistrements réalisés dans le cadre du programme international de l’Unesco The Traditional Music,
Dance and Instruments of Ethiopia : a systematic survey , et grâce au concours du Ministère des
Affaires Etrangères, de l'Ambassade de France en Ethiopie, du Centre Français des Etudes Ethiopiennes,
de l'unité de recherche Langues-Musiques-Sociétés (CNRS-UMR 8099), de la Société Française
d’Ethnomusicologie, de l’Université Jean-Monnet de Saint-Etienne et du diocèse d’Addis Abeba.
L’auteur tient à exprimer sa gratitude aux chantres de l’Église éthiopienne et plus particulièrement à mÇri
geta MangøÑtu, mÇri geta Îadis et mÇri geta Henok auxquels ce disque est dédié. L’auteur remercie éga-
lement pour leur soutien Olivier Tourny, Nathalie Fernando-Marandola, Tesfa MangøÑtu, Daniel
Seifemikæ’el et Z ärihun Mulatu, ainsi qu’Alexandre Guillot.
INEDIT est une marque déposée de la Maison des Cultures du Monde (direction, Chérif Khaznadar).
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Eglise chrétienne orthodoxe d’Éthiopie
’AQ W AQ W AM
La musique et la danse des cieux
L e christianisme éthiopien, introduit au
La musique religieuse de l’Église éthiopienne
est désignée par le terme générique de zemÄ .
Selon la légende, saint YÄred inspiré par l’Esprit
Saint, découvrit et fixa le zemÄ au VI e siècle.
Trois oiseaux venus du Jardin d’Eden le guidè-
rent jusqu’à la Jérusalem céleste où le zemÄ lui
fut révélé ; il y vit danser les vingt-quatre
prêtres du Ciel, accompagnés des instruments
que l’Église éthiopienne utilise encore aujour-
d’hui. Pour les chrétiens d’Éthiopie, ’aq w aq w am ,
qui est une partie du zemÄ , est la reproduction
fidèle de cette danse et de cette musique des
cieux enseignées aux hommes par saint YÄred,
ce qui rend ce dernier si cher aux prêtres et
aux chantres éthiopiens.
La totalité de la liturgie éthiopienne est
chantée, à l’unisson, à l’exception des Écri-
tures qui sont lues. Les chants sont exécutés
en guèze, langue sémitique d’origine axou-
mite, uniquement réservée à l’Église chré-
tienne d’Éthiopie aujourd’hui. Trois modes
sont utilisés : gø‘øz (pentatonique hémito-
nique), ‘øzøl et ‘ÄrÄrÄyø (pentatoniques anhé-
mitoniques). Le formulisme, sur lequel est
basée cette musique, donne au corpus son
homogénéité.
quatrième siècle dans le pays, a été pré-
servé d’influences extérieures pendant de
longues années, du fait de son isolement
géographique ; ses pratiques musicales et
gestuelles apparaissent par conséquent
comme le témoin de rites chrétiens ances-
traux. L’Église chrétienne orthodoxe d’Éthio-
pie est une Église monophysite : elle ne
reconnaît au Christ qu’une seule nature, la
nature divine absorbant la nature humaine.
Elle partage ces thèses christologiques avec
l’Église copte, sous la tutelle de laquelle elle
resta jusqu’en 1959. Autocéphale depuis
cette date, elle est dirigée aujourd’hui par le
patriarche ’Abuna Õawølos.
La religion chrétienne orthodoxe est majori-
taire dans l’Éthiopie actuelle, représentant
un peu plus de la moitié de la population.
Les chrétiens orthodoxes sont surtout pré-
sents dans le nord du pays, sur les hauts-pla-
teaux septentrionaux, foyer historique de
l’Éthiopie. C’est en effet par le royaume
d’Axoum, correspondant à la partie septen-
trionale de l’Éthiopie et à l’Érythrée, que
s’est introduit le christianisme.
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Le chant liturgique de l’Église éthiopienne
se déroule en de longues prières. Les pièces
sont construites sur un principe de répéti-
tion du texte, émis souvent très lentement,
et avec force mélismes. Il faut prendre le
temps d’écouter les pièces jusqu’au bout
pour entendre le texte dans son intégralité
et pouvoir suivre l’évolution du chant qui,
avec la durée, gagne en intensité, en chaleur
et en ferveur. Le principe d’ ’aq w aq w am , dont
les enregistrements de ce disque présentent
le corpus, est avant tout un principe d’endu-
rance dans la prière : ’aq w aq w am signifie litté-
ralement "la (bonne) manière d’être
debout". Le mot fait ainsi référence aux
longues heures d’office durant lesquelles les
chantres doivent rester dans cette position.
Lorsqu’on loue Dieu en utilisant ’aq w aq w am ,
il s’agit toujours de cérémonies importantes
où il convient d’avoir une posture belle et
digne, ce qui correspond pour les Éthiopiens
à la station debout. ’Aq w aq w am , plus qu’à la
danse à proprement parler, est donc tout
d’abord à rattacher à une idée de stature au
sens étymologique du terme – du latin stare ,
“être debout”. D’ailleurs, la gestuelle d’ ’aq w a-
q w am , si elle peut se manifester dans des cho-
régraphies qui font se déplacer les partici-
pants, est souvent relativement simple et
“statique” : chaque chantre met le haut de
son corps en mouvement en se balançant,
en faisant aller ses bras de gauche à droite ou
en jouant d’un instrument de musique de
telle manière qu’il en fait un “instrument de
danse” ; le bas de son corps, en revanche,
reste immobile.
Au-delà de son étymologie, ’aq w aq w am est un
terme générique regroupant les chants
accompagnés d’instruments et de gestuelle.
Les instruments utilisés sont le sistre, le tam-
bour et le bâton de prière, qui offrent un
accompagnement purement rythmique.
Mäqwamøya , qui désigne le bâton de prière,
est un terme amharique de même étymolo-
gie que le mot ’aq w aq w am . Il sert en effet de
support aux chantres qui restent debout
durant les cérémonies. Son port est lié à
cette belle apparence qu’il convient d’avoir
lors des offices en ’aq w aq w am . Il est fait en
bois, avec une tête en ivoire, en bois ou en
métal – fer, cuivre, argent ou or –, qui repré-
sente, par sa forme en cornes, la tête de
l’agneau, symbole du Christ. Quant à la
forme globale du mäqwamøya , elle évoque la
Croix du Christ. Il s’agit du seul instrument
autorisé pendant le Carême.
Le sistre, ou ñänañøl , comporte un manche
en bois, en corne, ou en métal, surmonté
d’un cadre trapézoïdal en fer, cuivre, argent
ou or, très travaillé. Deux fines barres de
métal relient horizontalement les deux
montants latéraux ; elles supportent cha-
cune des ronds ou des carrés en métal qui
s’entrechoquent et viennent buter contre les
côtés du trapèze lorsque les chantres agitent
le ñänañøl . Les petits ronds ou carrés de métal
sont au nombre de cinq, ils représentent les
cinq mystères de la religion orthodoxe
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éthiopienne : la Sainte Trinité, la Sainte
Incarnation, le Saint Baptême, la Sainte
Eucharistie et la Sainte Résurrection.
Chaque chantre porte le ñänañøl dans la
main droite, qu’il balance en arrière puis en
avant. Selon certains informateurs, le son du
ñänañøl symbolise le bruit des ailes des séra-
phins et des chérubins que saint YÄred a
entendu dans les cieux. Le symbolisme atta-
ché aux instruments semble souvent être
une interprétation a posteriori : les Éthio-
piens donnent une signification chrétienne
au sistre, dans sa forme et sa sonorité, alors
que l’instrument est attesté en Égypte à
l’époque des pharaons.
Le kabaro est un membranophone. C’est un
tambour en bois de forme conique, à double
membrane en peau de bœuf. Il est entouré
d’un tissu recouvert de lanières également
en peau de bœuf, reliant les deux mem-
branes et les tenant fixées au corps du tam-
bour. La petite membrane est frappée à main
nue avec la main gauche, la grande avec la
main droite. Il y a deux positions de jeu :
assise ou debout. Le nombre de joueurs varie
en fonction de l’espace dans l’église, le
nombre idéal étant deux.
Le corpus d’ ’aq w aq w am est exécuté lors des
offices festifs : célébrations annuelles, men-
suelles et dimanches. En dehors de ces occa-
sions, donc en dehors d’ ’aq w aq w am , le chant
est a cappella, sans gestuelle ni accompa-
gnement instrumental.
Les chantres – les mazamrÄn – sont disposés
selon leur hiérarchie dans un espace qui leur
est uniquement réservé à l’intérieur de
l’église, le qøne mÄÉølet ; seuls les hommes
sont autorisés à célébrer les services (cf.
schéma page suivante). Ils sont vêtus de
blanc. Certains sont professionnels, d’autres
encore étudiants en chant liturgique. Le
chœur est dirigé par un chef, le märi geta . Il
est entouré des meilleurs chantres qui font
face au maqdas , sanctuaire dans lequel est
gardé sur l'autel le tÄbot , plaque de bois
consacrée au saint dont l'église porte le nom.
Le corpus d’ ’aq w aq w am s’incarne dans des
chants qui peuvent être des antiennes
( ’angargÄri , ’øsma la‘Älam …), des poèmes
( malk ) ou des textes improvisés ( qøne ). En
fonction de la célébration, l’antienne de
type ’angargÄri , par exemple, verra son texte
modifié mais observera toujours des
constantes formelles et musicales.
Le principe musical d’ ’aq w aq w am est le sui-
vant : les chantres exécutent un même texte
dans plusieurs versions successives qui cor-
respondent à autant de catégories
musicales ; d’une catégorie à l’autre, la
mélodie, le rythme, l’accompagnement ins-
trumental et la gestuelle changent. Si les dif-
férentes versions d’un même malk , par
exemple, entretiennent entre elles des rela-
tions, c’est plus entre deux catégories musi-
cales identiques issues de deux malk diffé-
rents qu’il faut chercher des liens musicaux.
Il y a sept catégories : zømame , qum ñänañÄøl ,
märägd , óøfat , wäräb , ’amälaläs et ÜäbÜäbo .
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